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DGR-21-02 : Document de décision de gestion du risque relatif à l'épine-vinette (Berberis, Mahoberberis et Mahonia spp.) comme obstacle biologique à la lutte contre la rouille noire (Puccinia graminis)

Date d'entrée en vigueur : 3 juin 2022

Préface

Comme il est défini dans la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV), l'analyse des risques phytosanitaires (ARP) comporte 3 volets, soit l'initiation, l'évaluation des risques et la gestion des risques. L'initiation du processus consiste à répertorier les organismes nuisibles et les voies d'introduction soulevant des préoccupations ainsi qu'à délimiter la zone visée par l'ARP. L'évaluation des risques phytosanitaires établit le fondement scientifique de la gestion globale des risques. La gestion des risques phytosanitaires vise à cerner et à évaluer les mesures d'atténuation susceptibles de ramener les risques phytosanitaires relevés à un niveau acceptable ainsi qu'à choisir les mesures appropriées.

Le présent document de gestion des risques (DGR) comprend un sommaire des résultats de l'évaluation des risques phytosanitaires et définit le processus de gestion des risques s'appliquant au problème relevé. Il est conforme aux principes, à la terminologie et aux directives figurant dans les normes de la CIPV relatives à l'analyse des risques phytosanitaires qui se trouvent sur le site Web de la Convention internationale pour la protection des végétaux.

Sur cette page

Sommaire

Le Puccinia graminis Pers., agent de la rouille noire, ou rouille des tiges, chez les céréales est un organisme réglementé au Canada. Il peut causer de graves dommages chez le blé, mais également chez certains cultivars d'orge, d'avoine et de seigle et chez d'autres graminées. Ce champignon utilise des espèces sensibles des genres Berberis, Mahoberberis et Mahonia (ici collectivement appelées « épine‑vinette ») pour réaliser la portion sexuée de son cycle vital.

La présence d'épines-vinettes sensibles à proximité de champs de céréales peut causer des épidémies localisées de rouille noire. Elle peut aussi provoquer l'apparition de souches (biotypes) nouvelles et plus virulentes de l'agent pathogène à l'égard desquelles la résistance des cultivars de céréales actuels peut être faible, voire nulle. L'épine-vinette est donc réglementée aux termes de la Loi sur la protection des végétaux et du Règlement sur la protection des végétaux en tant qu'obstacle biologique à la lutte contre la rouille noire.

En 2001, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a mis sur pied le Programme canadien de certification de l'épine-vinette (PCCEV), qui décrit les exigences phytosanitaires régissant l'importation au Canada ainsi que le déplacement, la vente et la multiplication en territoire canadien de l'épine‑vinette. Ce programme s'applique aux espèces et cultivars qui sont exemptés de l'interdiction de déplacement au Canada. Les interdictions ainsi que les exemptions sont présentement énumérées à l'Annexe I du Règlement sur la protection des végétaux. Depuis la mise en œuvre du programme, de nouvelles publications scientifiques ont révélé que certaines des espèces ou certains des cultivars d'épine-vinette qui sont approuvés pourraient donner des graines susceptibles de produire des plantes sensibles à la rouille noire. De plus, de nouveaux cultivars stériles d'épine-vinette ont été mis au point. Le secteur canadien de l'horticulture a demandé une révision de la liste des espèces et cultivars approuvés aux fins de multiplication afin que ces nouveaux cultivars peu envahissants puissent éventuellement être accessibles.

Le présent document décrit 3 options, ainsi que la décision de l'ACIA, pour la gestion de l'épine-vinette comme mesure de lutte contre la rouille noire au Canada. Ces options ont été proposées durant la consultation tenue en avril 2021 et la majorité des répondants étaient en faveur de l'option recommandée par l'ACIA soit de retirer la liste des espèces et cultivars d'épinettes-vinettes exemptés de l'interdiction de déplacement de l'annexe I du Règlement sur la protection des végétaux pour faciliter les changements à la liste de cultivars sur une base scientifique. Les critères d'évaluation utilisés pour déterminer quels espèces et cultivars devraient être exemptés de l'interdiction de déplacement et la liste des espèces et cultivars exemptés seront disponibles au public sur le site internet de l'ACIA. Ces mesures visent à empêcher la propagation des épines-vinettes sensibles à la rouille noire pour protéger l'économie canadienne, tout en offrant la possibilité que certaines espèces et certains cultivars d'épine-vinette soient approuvés sur la base des plus récentes connaissances scientifiques.

But

Le présent document a pour but de décrire les éléments à considérer pour la gestion des risques phytosanitaires et de présenter la décision de l'ACIA pour la gestion des risques associés à l'épine-vinette, considérée en tant qu'obstacle biologique à la lutte contre la rouille noire au Canada.

Portée

Le présent document inclut :

Les renseignements relatifs aux actuelles exigences régissant l'importation de végétaux ou de produits végétaux particuliers peuvent être consultés dans le Système automatisé de référence à l'importation de l'ACIA.

Définitions

Les Normes internationales pour les mesures phytosanitaires (NIMP) 5 : Glossaire des termes phytosanitaires (PDF) ou le Glossaire de la protection des végétaux renferment la définition des termes utilisés dans le présent document.

Contexte

La rouille noire est une grave maladie des plantes céréalières (principalement le blé). Elle est causée par le Puccinia graminis f. sp. tritici, champignon qui dépend de l'épine-vinette (Berberis, Mahoberberis et Mahonia spp.) pour réaliser la portion sexuée de son cycle vital. En l'absence de cet hôte intermédiaire, le Puccinia graminis peut tout de même infecter les céréales, mais sa population devient alors moins variable et comprend un plus petit nombre de souches, ce qui permet la mise au point de variétés de céréales résistantes à la rouille noire, efficaces pour contrer la maladie. De plus, en l'absence du stade sexué sur l'épine-vinette, le premier inoculum printanier provient de sources distantes et arrive plus tard dans la saison de culture et à de plus faibles concentrations (Bailey et al., 2003), ce qui amoindrit les symptômes et les pertes.

L'épine-vinette commune (Berberis vulgaris) est une plante originaire d'Europe introduite en Amérique du Nord. Les premiers colons ont apporté l'espèce avec eux pour la cultiver, mais elle s'est rapidement échappée de culture et s'est propagée dans les endroits propices à la croissance des arbres et arbustes. Les effets néfastes de l'épine-vinette sur les céréales sont connus depuis longtemps, mais ce n'est qu'en 1865 que la relation entre l'épine-vinette et la rouille noire a été élucidée. Des programmes d'éradication ont été mis en œuvre au Canada et aux États-Unis au début du 20e siècle; le Berberis vulgaris est encore présent au Canada aujourd'hui, mais son nombre a été grandement réduit grâce aux décennies d'éradication, particulièrement dans les régions productrices de blé des Prairies canadiennes.

L'Animal and Plant Health Inspection Service (APHIS) du département de l'Agriculture des États‑Unis (USDA) a classé les principaux États producteurs de blé où l'épine-vinette a été éradiquée comme des zones protégées et réglemente les déplacements inter-États des plantes des genres Berberis, Mahoberberis ou Mahonia sensibles à la rouille à l'intérieur ou à destination de ces zones protégées. Les représentants des États où se trouvent ces zones protégées sont responsables de la certification pour le déplacement ainsi que de l'administration d'un programme d'inspection des installations produisant l'épine-vinette, qui vise à vérifier que celles-ci sont exemptes de plantes sensibles à la rouille et que les espèces et cultivars qu'elles produisent sont considérés comme résistants à la rouille et conservent leur intégrité. L'APHIS définit les plantes résistantes à la rouille comme toutes les plantes des genres Berberis, Mahoberberis et Mahonia, ainsi que leurs descendants, dont la résistance à la rouille noire a été démontrée dans le cadre d'essais menés par l'USDA et qui figurent sur la liste des plantes résistantes à la rouille des paragraphes 301.38-2(a)(1) et (a)(2).

Au Canada, l'ACIA administre le Programme canadien de certification de l'épine-vinette (PCCEV), qui précise les exigences régissant l'importation au Canada ainsi que le déplacement, la vente et la multiplication en territoire canadien de l'épine‑vinette (Berberis, Mahoberberis et Mahonia spp.). Avant la création du programme, en 2001, l'importation et les déplacements interprovinciaux au Canada de toutes les espèces d'épine-vinette à feuilles caduques étaient interdits depuis 1966. Parallèlement à la mise en œuvre du PCCEV, l'ACIA a créé une liste des espèces et cultivars d'épine-vinette considérés comme résistants à la rouille noire d'après les analyses menées par le Cereal Rust Laboratory de l'USDA (Université du Minnesota, St. Paul, Minnesota) et les résultats obtenus dans des parcelles d'évaluation de la Ferme expérimentale centrale d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, à Ottawa. La liste définitive des 11 cultivars exemptés de l'interdiction de déplacement a été publiée à l'Annexe I du Règlement sur la protection des végétaux. Les exigences qui s'appliquent à ces espèces et cultivars sont énoncées dans le PCCEV et sont présentées dans la directive D-01-04 : Exigences phytosanitaires régissant l'importation et le transport en territoire canadien de l'épine-vinette (Berberis, Mahoberberis et Mahonia spp.) sous le Programme canadien de certification de l'épine-vinette.

Sommaire de l'évaluation du risque

Biologie de l'organisme nuisible

Rouille noire

Le Puccinia graminis a un cycle de vie complexe comprenant 5 types de spores et 2 hôtes.

Urédospores (infection graminée à graminée) : le stade associé aux urédospores est souvent appelé « stade répétitif », car la production de ces spores peut se poursuivre chez le blé tant et aussi longtemps que la plante est vivante. C'est ce stade asexué qui peut causer une épidémie soutenue, car une nouvelle génération d'urédospores peut être produite tous les 7 à 14 jours. Ces spores peuvent rapidement transmettre l'infection sur une vaste superficie grâce à leur dispersion par le vent.

Téleutospores, basidiospores et pycniospores (infection graminée à épine-vinette) : le champignon produit des téleutospores noires hivernantes chez les céréales parvenues à maturité. En l'absence d'épines-vinettes sensibles, le cycle de la maladie est interrompu, car les téleutospores produites à l'automne ne peuvent pas infecter le blé, l'orge ou les autres céréales hôtes la saison suivante. Si elles sont exposées à des températures sous le point de congélation durant de longues périodes, les téleutospores germent au printemps et produisent des basidiospores à courte durée de vie qui infectent les jeunes pousses (2 semaines et moins) d'épines-vinettes sensibles (Zhao et al., 2016). Une fois que l'épine-vinette est infectée, le champignon produit des pycnides qui répandent des pycniospores. Si les pycnides sont fécondées par un type sexuel différent, elles peuvent produire des écidiospores.

Écidiospores (infection épine-vinette à graminée) : le champignon produit des écidiospores uniquement sur l'épine-vinette sensible, et il peut engendrer jusqu'à 64 milliards d'écidiospores à partir d'une seule plante d'épine‑vinette infectée (Schumann and Leonard, 2000). Les écidiospores sont libérées depuis les feuilles des épines-vinettes atteintes et peuvent infecter les cultures céréalières à proximité. Une fois que les écidiospores ont atteint un hôte, le champignon produit des urédospores et complète ainsi son cycle vital.

Les épines-vinettes sensibles qui poussent dans les environs des zones de production céréalière permettent donc la reproduction sexuée du Puccinia graminis et, par conséquent, l'hybridation du champignon et la création de nouvelles souches de rouille auxquelles les cultivars de céréales ne sont pas forcément résistants.

Épine-vinette

Ce ne sont pas toutes les épines-vinettes qui peuvent servir d'hôte intermédiaire à la rouille noire. Certaines espèces sont résistantes et ne sont donc pas infectées par Puccinia graminis. L'épine-vinette compte de nombreux hybrides; la plupart des variétés horticoles et certaines plantes d'épines-vinettes poussant à l'état sauvage sont des hybrides. L'hybridation non contrôlée est problématique dans les cas où des cultivars résistants à la rouille se croisent avec des épines-vinettes sensibles. Les graines issues de ces croisements peuvent produire des plantes résistantes mais aussi des plantes sensibles. Pour compliquer les choses, les hybrides provenant de croisements entre cultivars résistants et cultivars sensibles peuvent avoir l'apparence de leur parent résistant, mais hériter de la sensibilité à la rouille noire de leur autre parent.

L'épine-vinette de Thunberg (Berberis thunbergii), l'espèce à partir de laquelle la plupart des cultivars horticoles actuels sont issus, est considérée comme une espèce résistante non-hôte de la rouille noire (Bartaula et al., 2019). La résistance non-hôte signifie qu'une espèce végétale entière démontre une défense à large spectre contre toutes les variations génétiques d'un agent pathogène. Cependant, l'épine-vinette de Thunberg peut facilement s'hybrider avec l'épine-vinette commune, qui est une espèce sensible à la rouille noire. La progéniture issue de ces hybrides peut être capable de produire une progéniture sensible.

Voies d'introduction et de propagation

Rouille noire

La rouille noire a un cycle vital complexe qui comprend un stade sexué (qui se déroule chez l'hôte intermédiaire, soit l'épine-vinette) et un stade asexué (qui a lieu chez les céréales et autres graminées sensibles). Les céréales peuvent être infectées par les écidiospores produites sur les épines-vinettes sensibles présentes dans les alentours de la culture hôte ou par les urédospores produites de façon répétée. Dans le sud des États-Unis et le nord du Mexique, les urédospores produites sur le blé spontané qui germe et devient infecté au courant de l'été continuent de propager la maladie aux céréales semées à l'automne. Cependant, au Canada, les urédospores ne peuvent pas indéfiniment réinfecter les plantes cultivées hôtes, car les températures froides mettent fin au cycle d'infection des céréales avec la production de téleutospores hivernantes, qui peuvent uniquement infecter un hôte intermédiaire au printemps.

Au Canada, les épidémies de rouille noire sont considérées comme associées à l'épine-vinette, car celle‑ci permet la reproduction sexuée de l'agent de la maladie et son établissement hâtif chaque printemps. Les nombreuses écidiospores produites sur l'épine-vinette sensible se dispersent jusqu'aux plantes céréalières hôtes et les infectent, puis de multiples générations d'urédospores peuvent rapidement propager l'infection sur une vaste superficie. En l'absence d'épines-vinettes sensibles à proximité des cultures céréalières vulnérables, le premier inoculum printanier doit parcourir une grande distance pour parvenir au Canada depuis sa source, par exemple le sud des États-Unis et le nord du Mexique; cet inoculum arrive donc tardivement dans la saison de culture et à de faibles concentrations (Bailey et al., 2003), ce qui amoindrit les symptômes et les pertes chez les variétés de céréales qui sont dépourvues de résistance à la rouille noire.

En plus de causer l'infection hâtive des plantes hôtes cultivées, l'épine-vinette sensible constitue une source de nouvelles souches de rouille noire, car la reproduction sexuée permet un réaménagement des gènes de virulence. Au fil des années, les sélectionneurs ont mis au point des variétés de céréales résistantes à la rouille noire. Toutefois, ces variétés peuvent ne pas être résistantes aux nouvelles souches de rouille noire plus pathogènes issues de l'épine-vinette. Dans les climats chauds, l'épine-vinette n'est pas infectée par la rouille noire, car les téleutospores ne germent que si elles sont exposées à des températures sous le point de congélation durant de longues périodes (Schumann and Leonard, 2000). Ainsi, l'apparition de nouvelles souches est moins susceptible de se produire dans les régions chaudes, en l'absence de reproduction sexuée. L'inoculum provenant du sud qui arrive tard au printemps au Canada présente donc un risque réduit de contourner la résistance des variétés de céréales existantes, comparativement à l'inoculum provenant de l'épine-vinette sensible.

Épine-vinette

Après des années de programmes d'éradication, l'épine-vinette commune (Berberis vulgaris) peut encore être observée dans de nombreuses régions du Canada, mais elle n'est plus considérée comme commune au pays, particulièrement dans les Prairies canadiennes. L'épine-vinette de Thunberg (Berberis thunbergii) s'est échappée de culture ou est devenue naturalisée dans certaines localités en Ontario, au Québec, au Nouveau‑Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse. Trois espèces d'épine‑vinette indigènes (Mahonia aquifolium, M. nervosa et M. repens) sont essentiellement limitées à la Colombie-Britannique, mais 2 de ces espèces (M. aquifolium et M. repens) sont cultivées dans d'autres parties du Canada. Le Mahonia aquifolium est maintenant naturalisé à l'échelle locale dans certaines régions de l'Ontario et du Québec, tandis que le M. repens l'est maintenant dans certaines parties de l'Ontario.

L'épine-vinette produit des petits fruits charnus attrayants dont les graines sont dispersées dans de nouvelles zones par les oiseaux qui consomment les fruits. La quantité de fruits produits dépend de l'espèce et du cultivar. Les graines peuvent demeurer dormantes dans le sol jusqu'à 10 ans et présentent un taux de germination élevé. De plus, l'épine-vinette peut se reproduire par voie végétative, par drageonnement et par marcottage.

L'épine-vinette de Thunberg (Berberis thunbergii) est considérée comme une plante envahissante dans la plupart des provinces de l'est du Canada (Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse, Ontario, et Québec) (CABI, 2020), et elle est réglementée à ce titre dans certains États des États-Unis (par exemple Massachusetts, New Hampshire et Vermont). La nature envahissante de l'épine-vinette de Thunberg est attribuable à ses mécanismes de reproduction multiples et efficaces, au faible taux de mortalité de l'espèce (Ehrenfeld, 1999) et à sa capacité de tolérer un large éventail de conditions environnementales, notamment le plein soleil ou l'ombre complète, les sécheresses graves et les extrêmes hivernaux (CABI, 2020).

Conséquences économiques potentielles

La rouille noire est considérée comme l'une des pires maladies du blé. Elle peut causer en quelques semaines la perte totale d'une culture qui était apparemment saine (Fetch et al., 2011). Au Canada, la dernière épidémie grave a été observée entre 1953 et 1955 et a alors causé des pertes représentant des millions de dollars (Fetch et al., 2011).

Selon Conners (1958), lorsque des épines-vinettes sensibles poussent à proximité de cultures céréalières, les pertes de rendement peuvent être de l'ordre de 40 % à la totalité de la récolte. De plus, Craigie (1957) a indiqué que l'épidémie de rouille noire de 1916 dans l'Ouest canadien avait causé la perte de 100 millions de boisseaux de blé.

Les répercussions de la rouille noire en Amérique du Nord sont de nos jours bien moindres, grâce aux sélectionneurs qui ont mis au point des variétés de céréales comportant une combinaison de gènes leur conférant une résistance à de nombreuses souches d'agents de la rouille noire. Toutefois, la présence accrue d'épines-vinettes sensibles dans les régions de production céréalière pourrait entraîner la perte de cette résistance, car elle permettrait des recombinaisons géniques et l'apparition de nouvelles souches auxquelles les variétés de céréales existantes ne seraient peut-être pas résistantes.

Par exemple, Ug99 (TTKSK), une souche de rouille noire virulente découverte en Uganda en 1999, parvient à vaincre de nombreux gènes de résistance du blé. Selon les estimations, en 2010, 80 à 90 % des cultivars de blé dans le monde étaient sensibles à la souche Ug99 ou ses variantes (FAO, 2010). Une autre souche nouvelle, désignée TKTTF, a causé de graves pertes de rendement durant une épidémie survenue en Éthiopie entre 2013 et 2014. La souche TKTTF a touché la principale variété cultivée en Éthiopie (Digalu), et des pertes de rendement en grains allant jusqu'à 100 % ont été observées sur une superficie de plus de 10 000 ha (Singh et al., 2015).

Éléments à considérer pour la gestion des risques

De récentes publications scientifiques ont révélé que certaines des espèces ou certains des cultivars d'épine-vinette qui étaient approuvés au Canada et avaient été jugés résistants à la rouille noire à la suite d'évaluations pourraient en fait produire une descendance sensible à la maladie. Deux cultivars, 'Concorde' et 'Royal Cloak', qu'on croyait être des épines-vinettes de Thunberg pures, sont en fait des hybrides entre le B. thunbergii (résistant à la rouille) et le B. vulgaris (sensible à la rouille), et ils ont été reclassés comme des B. × ottawensis (Lubel et al., 2008). 'Tara' Emerald Carousel est un hybride entre le B. thunbergii et le B. koreana (modérément sensible à la rouille noire) (Levine and Cotter, 1932). On ignore si cet hybride peut produire une descendance sensible, mais 'Tara' Emerald Carousel est le cultivar ayant la production de graines la plus prolifique (Brand et al., 2012) de tous les cultivars approuvés au Canada.

Jin et al. (2014) ont déterminé que le Mahonia aquifolium et le Mahonia repens, tous deux indigènes du Canada et actuellement exemptés de l'interdiction de déplacement en vertu du Règlement sur la protection des végétaux, pourraient servir d'hôtes intermédiaires à la rouille noire. Ces espèces doivent donc faire l'objet d'évaluations plus poussées afin de déterminer si l'interdiction de déplacement devrait s'y appliquer. L'interdiction de les déplacer à l'extérieur de leur habitat actuel pourrait constituer une mesure d'atténuation des risques.

Certains cultivars résistants nouvellement commercialisés aux États-Unis sont stériles ou produisent une quantité de graines limitée. Ces cultivars constituent une excellente solution de remplacement à certains des cultivars d'épine-vinette de Thunberg qui sont actuellement autorisés et présentent un risque de produire une descendance sensible à la rouille noire ou ont un potentiel envahissant entre autres à cause du nombre élevé de graines qu'ils produisent. L'épine-vinette fait encore l'objet d'une importante demande au Canada et les nouveaux cultivars qui sont actuellement interdits au Canada, mais approuvés à des fins de production aux États-Unis, suscitent un intérêt croissant.

Le risque élevé d'hybridation entre les épines-vinettes résistantes à la rouille et celles sensibles à la rouille, combiné au caractère envahissant de l'épine-vinette de Thunberg, justifie la nécessité d'un programme réglementaire pour l'épine-vinette et met en évidence qu'il faut réaliser une évaluation des espèces et cultivars actuellement exemptés de l'interdiction de déplacement. Si cette interdiction n'est pas appliquée et si les épines-vinettes potentiellement sensibles ne sont pas retirées de la liste des exemptions, un grand nombre d'épines-vinettes capables de produire une descendance sensible à la rouille noire continueraient d'être vendues et distribuées au Canada, ce qui pourrait entraîner une augmentation du nombre de plants d'épine-vinette sensibles et la création potentielle de nouvelles souches de rouille noire. Avec la création de nouvelles souches de rouille noire, les programmes d'amélioration des céréales et les activités d'éradication de l'épine-vinette menées dans le passé pourraient être compromis.

Options en matière de gestion des risques

En avril 2021, l'ACIA a présenté pour consultation 3 options de gestion des risques phytosanitaires qui visent à interdire les épines‑vinettes sensibles au Canada, pour atténuer les risques associés à la rouille noire, tout en permettant le commerce des espèces et cultivars résistants à la rouille noire. Les avantages et les inconvénients sont présentés pour chaque approche.

Option 1 : Maintenir le statu quo

Selon cette option, l'ACIA maintiendrait, dans l'Annexe I du Règlement sur la protection des végétaux, la liste des espèces et cultivars d'épine-vinette exemptés de l'interdiction de déplacement. Le PCCEV existant, qui décrit les exigences régissant l'importation au Canada ainsi que le déplacement et la multiplication en territoire canadien de l'épine‑vinette, continuerait de s'appliquer.

Avantages

Inconvénients

Option 2 : Remplacer la liste des espèces et cultivars exemptés par des critères d'évaluation qui serviront à déterminer les espèces et cultivars devant être ajoutés ou retirés de la liste des espèces ou cultivars d'épine-vinette exemptés de l'interdiction de déplacement

Selon cette option, la liste des espèces ou cultivars d'épine-vinette exemptés de l'interdiction de déplacement serait retirée de l'Annexe I du Règlement sur la protection des végétaux. Les critères utilisés pour l'évaluation relative à l'exemption seraient énoncés à l'Annexe I. Les espèces ou cultivars répondant aux critères seraient approuvés aux fins de production au Canada et l'ACIA maintiendrait une liste de ces espèces et cultivars approuvés dans la D-01-04 : Exigences phytosanitaires régissant l'importation et le transport en territoire canadien de l'épine-vinette (Berberis, Mahoberberis et Mahonia spp.) sous le Programme canadien de certification de l'épine-vinette, et la rendrait disponible au public. Le PCCEV serait mis à jour en ce qui concerne les pratiques de production, les exigences et les critères d'inspection. Les cultivars actuellement approuvés seraient évalués en fonction des plus récentes données scientifiques et les cultivars qui représenteraient un risque pour la lutte contre la rouille noire seraient retirés de la liste des cultivars exemptés de l'interdiction de déplacement, puis graduellement retirés du marché.

Avantages

Inconvénients

Option 3 : Interdire toutes les espèces et tous les cultivars d'épine-vinette

Selon cette option, l'importation au Canada ainsi que le déplacement et la multiplication en territoire canadien de toutes les espèces et de tous les cultivars d'épine-vinette serait interdite au Canada. La liste des espèces et cultivars exemptés de l'interdiction de déplacement serait retirée de l'Annexe I du Règlement sur la protection des végétaux. L'ensemble des espèces et cultivars d'épine‑vinette seraient progressivement retirés du marché.

Avantages

Inconvénients

Décision relative à la gestion des risques

Consultation

Les parties prenantes ont été invités à formuler des commentaires sur ce document de gestion des risques du 30 mars 2021 au 30 avril 2021. Chacun des commentaires reçus a été révisé et pris en considération et des informations ont été ajoutées à la section Sommaire de l'évaluation du risque du présent document afin de fournir des précisions. La majorité des intervenants ont exprimé leur appui à l'option 2 en tant qu'option la plus raisonnable et la plus fondée sur la science.

Décision

À la lumière de l'évaluation des risques et après avoir analysé tous les commentaires reçus, l'ACIA a décidé d'aller de l'avant avec une option 2 modifiée. L'ACIA examine actuellement les options de modifications réglementaires et prévoit mettre à jour l'Annexe I afin de refléter le fait que seuls les espèces et les cultivars approuvés, selon la liste disponible publiquement, sont exemptés de l'interdiction de déplacement. Le résultat souhaité est une approche plus flexible pour l'ajout et le retrait futurs de cultivars sur la base de données scientifiques, tout en continuant à interdire le déplacement des espèces et des cultivars d'épine-vinette qui ne sont pas résistants à la rouille noire. Les critères d'évaluation, qui seront développés en consultation avec les parties prenantes, seront utilisés par l'ACIA pour évaluer les espèces et les cultivars d'épine-vinette. Ces critères d'évaluation et la liste des espèces et des cultivars exemptés seront mis à la disposition du public sur le site internet de l'ACIA.

Cette option protège l'industrie céréalière en permettant une approche plus réactive à l'atténuation des risques liés à la rouille noire, tout en soutenant les opportunités commerciales pour l'industrie horticole. L'option est fondée sur la science et s'aligne sur le mandat de protection des végétaux de l'ACIA. Elle permettra également à l'ACIA, en consultation avec les intervenants, de renforcer le PCCEV. En outre, de nouveaux cultivars résistants à la rouille noire, actuellement interdits au Canada, pourraient présenter une alternative à certains des cultivars actuellement approuvés qui ont un caractère envahissant ou qui peuvent être capables de produire une descendance sensible.

Un avis à l'industrie présente des recommandations pour les cultivars d'épine-vinette qui ont été identifiés comme possibles obstacles à la lutte contre la rouille noire au cours du processus d'évaluation des risques. Jusqu'à ce que la modification réglementaire soit achevée, l'ACIA recommande fortement qu'aucun plant des cultivars 'Concorde', 'Royal cloak' et 'Tara' Emerald Carousel ne soit déplacé ou multiplié en Alberta, en Saskatchewan ou au Manitoba en raison des risques associés à l'émergence de nouvelles souches de rouille noire à partir de la descendance de ces cultivars et des répercussions possibles de telles souches sur la production de blé dans ces provinces. Le respect de cette recommandation permettrait de limiter le risque d'émergence d'une progéniture sensible dans la région considérée comme la plus exposée à la rouille noire.

Prochaines étapes

La mise en œuvre de l'option 2 nécessite un changement réglementaire. L'ACIA examine actuellement ses options pour la modification des annexes I et II du Règlement sur la protection des végétaux. L'ACIA élaborera également, en consultation avec les parties prenantes, les critères d'évaluation qui seront utilisés pour exempter les espèces et cultivars et révisera le PCCEV afin de mettre à jour les pratiques de production, les exigences et les critères d'inspection. L'ACIA consultera les intervenants sur les critères d'évaluation et le PCCEV mis à jour. L'ACIA consultera également les intervenants concernés pour l'élaboration d'une transition avant le retrait de tout cultivar exempté de la liste.

Approbation

Ce document de gestion de risque a été approuvé par le Chef de la protection des végétaux.

Références

Date de modification :